POLITIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST : TALON prépare son départ, OUATTARA vise un 4ème mandat (Deux presidents, deux visions du pouvoir)

Ce mardi 29 juillet 2025 marque un tournant dans l’histoire politique de l’Afrique de l’Ouest: alors que le président ivoirien Alassane OUATTARA, 82 ans, a officiellement annoncé sa candidature pour un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire, son homologue béninois, Patrice TALON, continue de marteler sa volonté de quitter le pouvoir à l’issue de son second mandat, en 2026.Ce contraste saisissant illustre deux conceptions opposées du leadership politique: la fidélité à la parole donnée et à la limitation des mandats d’un côté, la légitimation d’une longévité politique au nom de la stabilité et de la capacité physique de l’autre.

Patrice TALON, une sortie assumée et encadrée

Depuis plusieurs mois, Patrice TALON ne cesse de répéter qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Cette position, dans un contexte ouest-africain marqué par la tentation du pouvoir à vie, apparaît comme une exception notable.« La fonction m’a vieilli », a-t-il lancé ce lundi 28 juillet lors d’une rencontre avec la jeunesse béninoise, mettant en avant l’usure personnelle mais aussi, en creux, la nécessité d’un renouvellement générationnel et institutionnel. Pour le président béninois, l’alternance n’est pas seulement une exigence démocratique: elle est aussi un marqueur de sa gouvernance et peut-être de son héritage politique. Ce positionnement renforce l’image d’un dirigeant désireux de contrôler sa sortie tout en encadrant sa succession. Il s’inscrit aussi dans une volonté d’apparaître comme un modèle de gouvernance apaisée dans la sous-région.

Alassane OUATTARA: le retour d’un éternel candidat

En annonçant officiellement sa candidature, Alassane OUATTARA fait un pari audacieux mais clivant. À 82 ans, après 14 années passées à la tête du pays, il justifie son retour entre autre par deux éléments: sa bonne santé et la légalité constitutionnelle. La Constitution ivoirienne révisée en 2020 ne limite pas explicitement les mandats présidentiels consécutifs dans son cas,ce qui ouvre un boulevard juridique mais pas nécessairement politique à sa candidature.Cette décision intervient dans un contexte où la scène politique ivoirienne reste marquée par des tensions ethniques, des divisions internes au sein du RHDP, son parti, et l’absence d’un successeur incontestable depuis le décès de Hamadou GON COULIBALY et surtout par la disqualification de la plupart des opposants pour des motifs divers. Tidjiane THIAM, Guillaume SORO, Laurent GBAGBO sont exclus par exemple de la course pour la prohaine election présidentielle.Le choix du president OUATTARA de rempiler à nouveau peut être interprété comme une volonté de préserver la stabilité, mais aussi comme un aveu de méfiance envers les alternatives internes. Elle soulève à nouveau la question de la dépendance des régimes africains à des figures fortes, au détriment de l’institutionnalisation du pouvoir.

Deux héritages, deux lectures de la responsabilité

TALON affirme sa volonté de quitter le pouvoir à la date prévue, refusant les appels à un troisième mandat, pourtant fréquents dans son entourage.OUATTARA assume son retour, justifiant sa décision par l’appel du “devoir national” et la nécessité de continuer ses réformes. Chacun parle de responsabilité, mais leur traduction politique diverge radicalement. TALON place la légitimité dans la limitation du pouvoir.OUATTARA dans sa continuité.

Une Afrique de l’Ouest face à son miroir

L’un des défis actuels de la gouvernance ouest-africaine est la crédibilité des alternances démocratiques. Dans un espace où les coups d’État, les prolongations de mandat et les révisions constitutionnelles sont devenus monnaie courante, l’attitude des présidents en fin de mandat en dit long sur l’état des institutions.Le cas béninois montre qu’une transition apaisée est encore possible. Celui de la Côte d’Ivoire illustre les limites d’un modèle centré sur les hommes forts, malgré des cadres juridiques modernisés.

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