LETTRE DE SOUTIEN À WADAGNI ET REMISE DU FICHE DE PARRAINAGE À YAYI : AHOSSI entre loyauté partisane et calculs politiques (Le scénario catastrophe ne guette-t-il pas “Les Démocrates”?)

Le paysage politique béninois est secoué deouis ce mardi 2 septembre par une correspondance pour le moins surprenante. Le député Comlan Léon AHOSSI, deuxième vice-président de l’Assemblée nationale et figure emblématique de l’opposition, a adressé une lettre de soutien enthousiaste au ministre Romuald WADAGNI, fraîchement désigné candidat de la majorité présidentielle pour l’élection de 2026. Cette démarche soulève des interrogations majeures sur les dynamiques internes de l’opposition et les stratégies politiques en cours.

Un soutien qui défie les lignes partisanes

Dans sa missive datée du 2 septembre 2025, le député de l’opposition exprime sans ambages son « enthousiasme » et sa « satisfaction » face à la candidature de WADAGNI. Plus troublant encore, il déclare: « Vous êtes mon candidat à moi aussi »*, une formulation qui va bien au-delà d’un simple respect courtois entre adversaires politiques.Cette prise de position intervient dans un contexte particulièrement tendu pour l’opposition. Les 28 députés du parti Les Démocrates auraient collectivement retiré leurs fiches de parrainage pour les remettre à l’ancien président Boni YAYI, leader de leur formation politique. Cette démarche collective témoigne d’une volonté de discipline partisane face aux enjeux électoraux à venir.

Les calculs derrière le geste

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette démarche surprenante d’Ahossi

:La solidarité régionale: Élément déterminant souvent sous-estimé, AHOSSI et WADAGNI sont tous deux originaires des départements du Mono , une région qui n’a jamais vu l’un de ses fils accéder à la magistrature suprême depuis les indépendances du Bénin. Cette donnée géopolitique interne pourrait transcender les clivages partisans traditionnels. Pour AHOSSI, soutenir WADAGNI pourrait représenter une opportunité historique de voir enfin un ressortissant de sa région diriger le pays, dépassant ainsi les considérations politiciennes immédiates.

L’hypothèse du réalisme politique: Face à la popularité présumée de WADAGNI et à ses performances à la tête du ministère des Finances, AHOSSI pourrait anticiper une victoire probable et chercher à préserver ses intérêts politiques futurs.

La stratégie de différenciation: En se démarquant de la ligne dure de son parti, le député pourrait chercher à construire une image de modéré, susceptible de lui ouvrir des opportunités de dialogue avec le pouvoir.

Le double jeu tactique : Cette lettre pourrait masquer une stratégie plus complexe visant à créer de la confusion dans les rangs de la majorité tout en préservant des canaux de communication informels.Mais cette dernière hypothèse parait peu probable.

Les risques pour l’opposition

Cette initiative de Léon Basile AHOSSI place le parti Les Démocrates dans une position délicate.Si le député décidait effectivement de ne pas suivre la logique collective de son groupe concernant les parrainages, cela pourrait créer un précédent dangereux et fragiliser la cohésion de l’opposition.Le spectre de 2021 plane sur cette séquence politique.À l’époque, le député Ahmed Affo Obo alias Souwi avait contesté l’utilisation de son parrainage pour le duo de candidat TALON-TALATA contre sa volonté, créant une polémique qui avait affaibli la crédibilité du processus électoral. Une répétition de ce scénario pourrait s’avérer catastrophique pour Les Démocrates, privant potentiellement leur candidat du nombre de parrainages nécessaires.

Un test de loyauté pour l’opposition

Au-delà des considérations personnelles, ce geste d’AHOSSI constitue un véritable test de cohésion pour l’opposition béninoise. Il révèle les tensions internes entre les impératifs de discipline partisane et les ambitions individuelles des cadres politiques. La réaction de Boni YAYI et de la direction des Démocrates sera déterminante. Une sanction trop sévère pourrait pousser AHOSSI vers une rupture définitive, tandis qu’une réponse trop faible pourrait encourager d’autres défections.

Les enjeux systémiques

Cette séquence illustre les défis structurels de l’opposition béninoise: fragmentation des leadership, difficultés à maintenir une ligne politique cohérente, et tentations individualistes face à un pouvoir qui semble solidement établi.Elle révèle également l’importance des équilibres géopolitiques internes dans un pays où la représentation régionale demeure un enjeu majeur.L’absence historique des départements du Mono et du Couffo dans la direction du pays depuis l’indépendance constitue un facteur non négligeable dans l’équation politique actuelle. Cette situation pourrait expliquer certains ralliements qui dépassent les clivages partisans traditionnels, les considérations identitaires et régionales prenant parfois le pas sur les affiliations politiques.Pour WADAGNI, ce soutien inattendu représente un atout politique non négligeable. Il témoigne de sa capacité à transcender les clivages partisans traditionnels et à séduire au-delà de sa base naturelle. Cette transversalité, renforcée par le facteur régional, pourrait constituer un argument de campagne puissant pour démontrer son potentiel rassembleur et sa légitimité à représenter des régions historiquement marginalisées dans l’accès au pouvoir suprême.Le geste de Comlan Léon AHOSSI, qu’il soit sincère ou calculé, révèle les mutations profondes du jeu politique béninois.Il interroge sur la pertinence des clivages traditionnels et sur la capacité de l’opposition à présenter une alternative crédible et unie.Dans les semaines à venir, l’évolution de cette affaire constituera un baromètre précieux des rapports de force politiques et de la solidité des alliances en vue de l’échéance présidentielle de 2026. La question reste posée : AHOSSI fait-il le pari d’un repositionnement stratégique ou commet-il une erreur politique qui pourrait lui coûter cher?

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