
Cossi Dorothé SOSSA,le Président de la Cour Constitutionnelle du Bénin
C’est un verdict inattendu qui est tombé ce jeudi lors de l’audience publique de la Cour constitutionnelle. Saisie par cinq requérants contestant l’invalidation du parrainage du député Michel SODJINOU par la Commission électorale nationale autonome (CENA), la haute juridiction a déclaré qu’elle n’était pas compétente pour trancher ce litige. Une décision qui soulève autant de questions qu’elle n’en résout et qui place le parti Les Démocrates dans une situation délicate à l’approche des échéances électorales.
Un silence éloquent
À la sortie de l’audience, le mutisme des cinq requérants en dit long sur leur déception. Aucun d’entre eux n’a souhaité s’exprimer devant la presse, laissant planer le doute sur la stratégie à adopter face à ce revers juridique. Ce silence contraste avec l’agitation qui entoure généralement les affaires à forte connotation politique, suggérant que les avocats et responsables politiques impliqués doivent rapidement recalibrer leur approche.
Retour à la case départ
En se déclarant incompétente, la Cour constitutionnelle renvoie les requérants vers une autre juridiction,probablement administrative. Mais cette décision n’est pas qu’un simple renvoi technique: elle entraîne des conséquences pratiques immédiates. Les délais s’allongent, les coûts de procédure s’accumulent, et surtout, le spectre de la forclusion se profile à l’horizon. Dans le contexte électoral, où chaque jour compte, cette perte de temps peut s’avérer fatale pour la candidature du duo AGBODJO-LODJOU .Pour Les Démocrates, c’est un double coup dur. Non seulement le parti risque son duo écarté de la compétition électorale, mais cette affaire met également en lumière des failles dans son dispositif de sécurisation des parrainages. Dans un système où les règles du jeu électoral sont déjà perçues comme contraignantes par l’opposition, cette décision prend une dimension symbolique forte.
Entre voie juridique et bataille politique
Face à cette situation, plusieurs options s’offrent aux requérants. La première, purement juridictionnelle, consiste à identifier rapidement la juridiction compétente et à reformuler leur recours. Si les délais électoraux le permettent, une procédure en référé-suspension pourrait être envisagée pour obtenir une décision rapide. Mais cette stratégie comporte des risques : rien ne garantit que la nouvelle juridiction saisie donnera raison aux requérants sur le fond.La seconde option est politique. Les Démocrates pourraient choisir de transformer ce revers juridique en argument de mobilisation, dénonçant des obstacles institutionnels à leur participation électorale. Cette narrative du « système qui bloque l’opposition » trouve souvent un écho favorable auprès d’une partie de l’électorat et des observateurs internationaux.Cependant,elle ne résout pas le problème concret de l’invalidation du parrainage.Une troisième voie, plus pragmatique, consisterait à accepter cette décision et à concentrer les efforts du parti sur d’autresperspectives electorales, tout en renforçant les mécanismes internes de collecte et de validation des candidatures pour éviter des déconvenues
Des questions démocratiques fondamentales
Au-delà du cas spécifique de Michel SODJINOU, cette affaire soulève des interrogations plus larges sur le fonctionnement du système électoral béninois. Les règles de parrainage sont-elles suffisamment claires et équitables? Les compétences des différentes juridictions sont-elles bien définies pour éviter de tels renvois? L’indépendance de la CENA et des instances judiciaires est-elle perçue comme garantie par l’ensemble des acteurs politiques?Ces questions ne sont pas nouvelles, mais elles ressurgissent à chaque cycle électoral, alimentant un climat de méfiance entre pouvoir et opposition. La manière dont cette affaire sera finalement résolue – ou non pourrait avoir des implications bien au-delà du sort d’une candidature
. Une course contre la montre
Pour Les Démocrates et les requérants, le temps presse désormais. Chaque jour qui passe sans résolution définitive du litige réduit les chances du duo AGBODJO-LODJOU de participer aux prochaines élections. Le parti se trouve face à un dilemme: persévérer dans la bataille juridique au risque de tout perdre, ou couper ses pertes et se réorganiser aurement ?La réponse à cette question se dessinera dans les prochains jours, lorsque les requérants sortiront de leur silence et dévoileront leur stratégie. Une chose est certaine : cette déclaration d’incompétence de la Cour constitutionnelle n’est pas la fin de l’histoire, mais plutôt le début d’un nouveau chapitre dans ce feuilleton politico-juridique qui passionne autant qu’il inquiète les observateurs de la vie démocratique béninoise. La véritable bataille ne fait peut-être que commencer.
Max Gaspard ADJAMOSSI