

« La typologie des régimes politiques du Bénin de 1960 à aujourd’hui ». C’est le thème de la communication présentée par Pierre-Claver ADONON, conseiller technique juridique du Président Louis Ghèhounou VLAVONOU ce lundi 24 mars 2025 au personnel civil et militaire de l’Assemblée nationale à la faveur de la traditionnelle cérémonie des couleurs destinée à l’éducation civique instaurée depuis la 8ème législature.Au cours de cette communication, il a été question essentiellement des différentes formes de Gouvernement ayant présidé aux destinées de notre pays et des Républiques, soit 05 durant la période de référence. Pour le communicateur, le Bénin a fait le tour des régimes politiques et constitutionnels figurant au répertoire du droit constitutionnel et même est allé au-delà. De 1990 à aujourd’hui, nous assistons bon an mal an, à une période de forteresse constitutionnelle et institutionnelle, a-t-il mentionné. De plus, la Constitution du 11 décembre 1990 étant la plus vieille Constitution que le Bénin ait connue, le communicateur a conclu que le régime politique qui convient le mieux au Bénin est celui dans lequel, une seule personne détient l’essentiel et la réalité du pouvoir Exécutif. Car au Bénin, le pouvoir ne se partage pas.Pour revenir à la communication proprement dite, il a, d’entrée de jeu, fait un bref aperçu sur la définition du régime politique qui n’est rien d’autre que le mode d’organisation du pouvoir d’Etat, ses différentes formes à savoir ceux issus de la séparation des pouvoirs, matérialisée par le régime parlementaire, le régime présidentiel et le régime semi-présidentiel; et ceux issus de la non-séparation des pouvoirs, c’est-à-dire la confusion des pouvoirs identifiée à travers la monarchie et ses variantes et les régimes d’assemblée. Dans son développement, Pierre-Claver ADONON a, d’une part, analysé les constitutions qui ont généré les 05 républiques que le Bénin a connues et d’autre part scruté les formes de séparation de pouvoirs qu’elles ont opérées afin d’évaluer leurs effets sur la vie institutionnelle, politique et sociale. Ainsi il a examiné les différents régimes politiques expérimentés par le Bénin de 1959 à 1990 et de 1990 à aujourd’hui. Regards de 1959 à 1990De 1959 à 1990, le Bénin s’était caractérisé par une valse des textes fondamentaux assortie d’une floraison de pronunciamiento et de coups d’Etat. Il y a eu les régimes politiques issus des Constitutions de 1959 et de 1960 et ceux secrétés par les Constitutions de 1964 et de 1977.« Entre 1959 et 1960, deux Constitutions ont été adoptées créant ainsi les première et deuxième République de notre jeune État. D’abord la Constitution du 14 février 1959 et les institutions de la 1ère République. L’Assemblée territoriale, érigée en Assemblée nationale constituante adopta le 14 février 1959, la première constitution du Dahomey. Cette Constitution institua un parlement et un Gouvernement dont le chef, le Premier-Ministre était le Chef du Gouvernement, lequel faisait aussi office de Chef de l’Etat. La Constitution créa aussi un Tribunal d’Etat, incarnation du pouvoir judiciaire. Le Président de l’Assemblée législative était Justin AMOMADEGBE-TOMETIN (UDD). Le Premier Ministre investi fut Hubert MAGA (RDD). Le pays accède à l’indépendance le 1er août 1960 avec cet exécutif. Le Premier Ministre continua à exercer la fonction de Chef d’Etat. Bien que le pouvoir Exécutif soit monocéphale, un premier ministre qui est la fois chef de l’Etat et chef du Gouvernement, ce premier régime politique qu’a connu notre État était de type parlementaire en raison de l’existence du critère prépondérant du droit de récusation, de destruction réciproque ; c’est-à-dire l’Assemblée peut être dissoute et le Gouvernement peut être renversé. », a laissé entendre le CTJ. Pour ce qui est de la IIème République, c’est-à-dire la Constitution du 26 novembre 1960, il a poursuivi : « …La Constitution du 26 novembre 1960 institue un régime où le président de la République est la clé de voûte du régime. Son pouvoir est renforcé alors que ceux de l’Assemblée sont amoindris. L’Exécutif comprend le Président de la République et un Vice-Président de la République qui n’a d’attributions que celles que veut bien lui confier le Président de la République. Le Vice-Président élu a été nommé au poste d’ambassadeur du Dahomey près la République française. Le Président élu le 11 décembre 1960 fut Hubert MAGA, son Vice-Président était Sourou Migan APITHY. Avec l’organisation des pouvoirs prévue par cette Constitution de la IIème République, l’on retient que le Président de la République détient totalement et exclusivement le pouvoir Exécutif. Le vice-président de la République n’est que ce qu’il voudrait qu’il soit. Le pouvoir législatif se cantonne à sa fonction législative. Aucun de ces deux pouvoirs ne pouvait détruire l’autre. On parle alors de l’absence de moyens réciproques d’action ; absence de droit de récusation réciproque. Ce régime est bien de type présidentiel. »À propos de la III eme République générée par les Constitutions de 1964 et de 1977, Pierre-Claver ADONON a informé : « Le constituant de 1964 a exprimé son intention d’instituer un régime atypique. En effet, le Président de la République élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans, dispose d’un domaine réservé, de pouvoirs propres conférés par la Constitution face à son Vice-Président, Chef du Gouvernement, lui aussi élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans également. Cependant, le Président de la République sous la III ème République n’exerce les attributions que lui confère la Constitution qu’en Conseil des ministres ou avec l’accord du Bureau de l’Assemblée nationale. Il s’ensuit que les « pouvoirs du Président de la République sont inopérants et ne peuvent pas s’exercer en cas de désaccord entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et lui. » Le vice-président de la République, en sa qualité de chef du Gouvernement exerce et détient la réalité du pouvoir exécutif face à un président de la République fragilisé. Le Président élu est Sourou Migan APITHY et le Vice-Président élu est Justin AMOMADEGBE-TOMETIN. Il est difficile de classer ce régime dans le répertoire des régimes politiques identifiés par le droit constitutionnel. L’on note l’absence du critère déterminant du régime parlementaire : l’Exécutif ne pouvait dissoudre le parlement et le parlement, non plus, ne pouvait démettre le Gouvernement. Pour le professeur Nicaise MEDE, le génie national en matière d’ingénierie constitutionnelle venait d’enfanter ce qu’on peut appeler au mieux un régime sui generis, au pire un régime vice-présidentiel, à défaut de pouvoir l’assimiler à ce que la doctrine roumaine appelle le régime primo-ministériel. »Pour ce qui est de la IV eme République fondée par la loi fondamentale de 1977, le communicateur l’a qualifié de régime de « confusion et de déséquilibre des pouvoirs où les droits élémentaires des citoyens sont bafoués et violés. ». En effet, tous les principes de base qui fondaient l’État du Bénin et l’organisation des pouvoirs publics ont été bouleversés le 26 octobre 1972. Pour Pierre-Claver ADONON, « …la Loi Fondamentale de 1977 créant la quatrième République s’est adonnée à une concrétisation des principes d’unité du pouvoir d’État. Quand bien même, il existe une séparation apparente des pouvoirs, tous les pouvoirs se confondaient et s’imbriquaient. L’organe délibérant : l’Assemblée nationale révolutionnaire (ANR) L’ANR, Organe législatif monocaméral, est l’incarnation suprême du pouvoir d’État. Elle est composée de 196 commissaires du peuple qui « peuvent être rappelés par leurs électeurs avant l’expiration de leur mandat s’ils se montrent indignes de la confiance du peuple » (Article 6-2, Loi fondamentale). L’ANR vote la loi et le budget à la majorité absolue de ses membres présents. Elle élit le Président de la République, le Président de la Cour Populaire Centrale, le Procureur Général du Parquet Populaire Central sur proposition du comité central du PRPB. L’ANR élit en son sein un Comité Permanent (CP) dont les membres sont proposés par le comité central du PRPB. Le Comité Permanent (CP) est composé d’un président, des vices présidents, d’un secrétaire général et de simples membres. Ils sont tous responsables devant l’ANR. Le Comité Permanent (CP) interprète les lois, contrôle l’activité du Conseil exécutif national, de la Cour Populaire Centrale et du Parquet populaire Central. Il assure la tutelle des Conseils provinciaux de la révolution. Il peut faire modifier ou annuler les décisions illégales ou anticonstitutionnelles prises par le CEN. Le Comité Permanent peut légiférer par décision-loi soumise à l’approbation de la session suivante de l’Assemblée nationale révolutionnaire. L’organe exécutif : le Président du Conseil exécutif national (CEN). Le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans par l’Assemblée nationale révolutionnaire sur proposition du comité central du Parti de la Révolution du Bénin. Il est Chef de l’Etat et le Chef du Conseil exécutif national. Le Conseil exécutif national est défini comme l’organe exécutif et administratif suprême de l’Etat. Il est responsable devant l’Assemblée nationale révolutionnaire et entre deux sessions de celle-ci, devant le comité permanent de l’ANR. Il est composé du Président de la République, des ministres et des présidents des Comités d’Etat d’Administration de la Province (CEAP). Le CEN prend des mesures administratives d’application des lois votées par l’ANR, des décisions-lois et décisions du Comité Permanent de l’ANR. Le CEN exerce le pouvoir réglementaire et conduit la politique de la Nation. ».Une constitution de transitionPour la Constitution de transition, le communicateur a informé : « …Il s’agit de la loi constitutionnelle n° 90-022 du 13 Août 1990 portant organisation des pouvoirs durant la période de transition. Elle organise une distribution des compétences entre les différents pouvoirs. Avec cette constitution de transition, on distinguait les trois pouvoirs à savoir : le pouvoir Exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir juridictionnel. L’on note qu’ils sont séparés. Le pouvoir Exécutif était bicéphale. Il comporte un président de la République, chef de l’Etat et un premier ministre, chef de Gouvernement. L’article 14 de cette constitution dispose que « Le Président de la République demeure en fonction jusqu’aux prochaines élections présidentielle. Il est le Chef de l’Etat ». En cas de vacance de la présidence de la République par décès, démission ou empêchement définitif, l’intérim est assuré par le Président du Haut Conseil de la République. En cas d’absence ou d’empêchement temporaire du Président de la République, le Premier Ministre assure son intérim. Il assure toutes les fonctions classiques d’un chef d’Etat. Quant à l’article 22 de la même constitution, il dispose que « Le Premier Ministre, élu par la Conférence des Forces Vives de la Nation, est le Chef du Gouvernement de Transition. ». En cas de vacance du poste de Premier Ministre, le Haut Conseil de la République désigne en son sein un membre pour assurer l’intérim. Après avis du Haut Conseil de la République, le Premier Ministre propose à la nomination du Président de la République, les membres du Gouvernement. Il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions. Le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale. Il assure l’exécution des Lois. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux Ministres. Il préside le Conseil de Cabinet. Il peut, exceptionnellement remplacer le Président de la République pour la présidence du Conseil des Ministres en vertu d’une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé. Le Général Mathieu KEREKOU était le président de la République et Monsieur Nicéphore Dieudonné SOGLO, était le premier ministre de transition. C’est le Haut Conseil de la République qui faisait office du parlement. Il était composé – des membres du Présidium de la Conférence des Forces Vives de la Nation – des anciens Présidents de la République – des Présidents des Commissions de la Conférence des Forces Vives de la Nation – des représentants des départements désignés par la Conférence des Forces Vives de la Nation. Conformément à l’article 32 de cette Constitution de transition, « Le Haut Conseil de la République était chargé – de contrôler l’exécution des décisions de la Conférence des Forces Vives de la Nation – d’exercer la fonction Législative – de contrôler l’exécutif – de donner son avis sur la désignation des membres du Gouvernement – d’approuver l’Avant-Projet de Constitution – d’étudier les amendements qui seraient reçus après la Popularisation de l’Avant-Projet de la Constitution ». Monseigneur Isidore de SOUZA, alors archevêque de Cotonou était le président du Haut Conseil de la République. Ce parlement de transition avait également joué le rôle de la Cour constitutionnelle et de la HAAC, etc. En définitive, on note un Exécutif dualiste et une absence de moyen de récusation réciproque. Bien que l’Exécutif soit bicéphale, on pourrait penser que cette constitution de transition a instauré un régime politique de type présidentiel. ». Le Renouveau démocratique Après la constitution de transition, il a été adopté une nouvelle Constitution. Il s’agit de la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, modifiée par la loi n° 2019-40 du 7 novembre 2019. Pour cette période, le CTJ a déclaré : « Cette Constitution offre une période de forteresse constitutionnelle. Avec elle, on assiste à une longévité constitutionnelle, institutionnelle et politique avec pour vertus la durabilité et la maturité. Cette constitution de la Vème République a opté pour un régime de séparation des pouvoirs et une protection accrue des droits et libertés individuels. Le pouvoir Exécutif Cette Constitution révèle un Exécutif monocéphale. Le président de la République est à la fois chef de l’Etat et chef de Gouvernement. Il est à la fois le premier organe constitutionnel, le premier pouvoir public et la plus haute autorité administrative du Bénin. Il tire son autorité et sa légitimité de son élection par l’ensemble du corps électoral. En effet, conformément à l’article 41 de la Constitution de la cinquième République, « Le président de la République est le chef de l’État. Il est l’élu de la Nation et incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect de la Constitution, des traités et accords internationaux ». L’article 54 de la même Constitution précisera que « le président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est le chef du Gouvernement, et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation. Il exerce le pouvoir réglementaire. Il dispose de l’Administration et des Forces de défense et de sécurité… ». Il est la clé de voûte des institutions. Il nomme des ministres qui ne sont responsables que devant lui. Le parlement Le pouvoir législatif est détenu au Bénin par le Parlement, aux termes de l’article 79 de la Constitution. Il dispose à cet effet que « le parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée nationale, dont les membres portent le titre de député ». Ainsi, l’Assemblée nationale béninoise, qui siège ici-même au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo, est monocamérale. Ses membres, au nombre de 109, sont désormais élus pour un mandat de 5 ans renouvelables deux fois. L’Assemblée nationale exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du Gouvernement. Dans le but d’éviter le pouvoir personnel, cette Constitution de la Vème République a aménagé de contre-pouvoirs puissants. En effet, un Exécutif fort peut conduire à une dérive dictatoriale, si le constituant ne prévoit pas des balises, des garde-fous efficaces. 24 Ainsi les contre-pouvoirs sont les garde-fous institutionnels destinés à contenir toute velléité autocratique. Les contre-pouvoirs visent à discipliner l’Exécutif, à l’enfermer dans le respect des lois et des prérogatives des institutions de la République afin que « le pouvoir limite le pouvoir » et que puissent s’épanouir les libertés individuelles. Il s’agit de la Cour constitutionnelle pour le respect des dispositions constitutionnelles et des droits de l’Homme ; la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) pour le respect des libertés en matière de presse ; la Cour Suprême pour le respect des lois ; la Haute Cour de Justice pour juger les membres du Gouvernement et leur chef. Au total, la Constitution de la Vème République a instauré un Exécutif monocéphale ; un président de la République qui est à la fois chef de l’Etat et chef du Gouvernement. Il détient seul le pouvoir Exécutif. Le poste de vice-président de la République récemment créé ne fait pas de l’Exécutif, un Exécutif bicéphale. Cela ne change pas la nature de l’Exécutif. Le vice-président de la République n’est pas membre du Gouvernement. Il est même en quelque sorte détaché de l’Exécutif, mis au frigo, mis en veilleuse, en attendant une éventuelle impossibilité du président de la République de continuer à exercer son mandat présidentiel. Le cas échéant, le vice-président entrera en scène pour finir le reste du mandat. Avec ce régime, il n’existe pas le droit de récusation réciproque. Il existe une indépendance réciproque de l’exécutif et du législatif. Cette indépendance est caractérisée par le fait que la désignation, l’existence et la disparition de l’un ne dépendent pas de l’autre. L’organe Exécutif c’est-à-dire le chef de l’Etat assisté de ses ministres dispose pleinement du pouvoir Exécutif. Le pouvoir législatif exerce pleinement la fonction législative. L’un et l’autre, pour toute la durée de leurs mandats respectifs, exercent pleinement et entièrement leurs fonctions. Cependant, l’on note une forte collaboration entre les pouvoirs. Le régime politique de cette Constitution de la Vème République est de type présidentiel.