
La décision du HCPC de s’autosaisir du dossier des détournements présumés de dizaines de milliards FCFA destinés à l’accès à l’eau et à l’électricité à Parakou marque un tournant institutionnel dans une affaire fortement politisée. Jusqu’ici alimentée par des accusations publiques et des affrontements politiques, l’affaire prend désormais une tournure plus institutionnelle et technique.
Une commission qui suscitent des attentes multiples
La commission spéciale mise en place par le HCPC devra remplir une double mission: vérification technique des investissements annoncés dans le secteur de l’eau et de l’électricité à Parakou; évaluation des mécanismes de prévention de la corruption au sein du ministère de l’Énergie, de l’Eau et des Mines.Le mandat de quatre semaines accordé à cette équipe d’experts multidisciplinaires témoigne de l’urgence, mais aussi de la complexité du travail à mener: identifier des flux financiers, vérifier les réalisations concrètes sur le terrain, et analyser la traçabilité des fonds engagés.
Un contexte hautement politique
Il est impossible de dissocier cette enquête du contexte dans lequel elle s’inscrit. L’ancien ministre Paulin AKPONNA, à l’origine des accusations, a été désavoué par son propre parti (le Bloc Républicain) et écarté du gouvernement. L’ancien ministre visé, Samou Séidou ADAMBI, a engagé des poursuites judiciaires pour diffamation. Dans cet imbroglio, la démarche du HCPC pourrait apparaître comme une tentative d’apaisement institutionnel, visant à ramener le dossier sur un terrain juridique, objectif et technique, loin des invectives et règlements de comptes internes à la mouvance.
Ce qu’on peut attendre concrètement de cette commission
Plusieurs résultats peuvent découler du rapport attendu :
-Confirmation des détournements: Cela ouvrirait la voie à des poursuites pénales et une refonte des mécanismes de financement public dans les secteurs ciblés. Cela crédibiliserait aussi les propos d’AKPONNA et fragiliserait les anciens gestionnaires.
-Absence d’irrégularités majeures: Cela renforcerait la thèse du règlement de comptes politiques et disculperait l’ex-ministre ADAMBI.Le HCPC sortirait renforcé dans son rôle de garant institutionnel.
-Résultat flou ou ambigu: Ce scénario, souvent redouté dans des affaires sensibles, risquerait d’alimenter davantage le doute dans l’opinion et donnerait lieu à des interprétations partisanes.
Un test pour le HCPC et Jacques MIGAN
Cette affaire est un test grandeur nature pour le Haut Commissariat à la Prévention de la Corruption, encore jeune institution dans l’architecture républicaine. Le président Jacques MIGAN, connu pour son ancrage politique, devra démontrer que le HCPC est capable de fonctionner de manière indépendante, impartiale et techniquement rigoureuse.Un rapport crédible, transparent et étayé sera un atout important dans la lutte contre la corruption au Bénin, mais aussi un baromètre du sérieux de l’appareil d’État face aux suspicions de mauvaise gouvernance.